En 3 jours, Loïck Peyron et son 100 pieds ont parcouru 1719 milles (23 nœuds de moyenne). Ils sont en train de faire le break avec 149 milles d’avance sur Spindrift2. Les premières heures estimées d’arrivée (ETA) en Guadeloupe donnent un finish à Gosier lundi 10 novembre au matin… Pour battre le record de Lionel Lemonchois (7 jours et 17 heures 19 minutes), il faudrait que le vainqueur coupe la ligne avant 7h00 (heure métropolitaine). Est-ce faisable ?

En attendant, Loïck Peyron n’est pas le seul à avoir fait le trou. Après seulement trois jours de course, quelques navigateurs se sont solidement installés aux manettes dans chacune des classes. 

Ultimes : Tous derrière et Peyron devant

Dans l’ouest des Canaries, au sud de l’anticyclone des Açores, la vie à bord des Ultimes s’est nettement améliorée. Les trimarans ne font plus de grands sauts de cabri entre les vagues. La mer est plate et le soleil présent. Seul problème : un relatif manque de vent pour les poursuivants de Banque Populaire VII. Et pendant que Loïck Peyron prend la poudre d’escampette au portant en direction des alizés, on assiste à un regroupement de ses rivaux non loin de Spindrift 2. Depuis la mi-journée tout ce petit monde se démène à coup d’empannages pour retrouver de la vitesse. Cette météo clémente est finalement tout sauf reposante.

Multi50 : Arrêt technique pour Actual et duel en tête

En Multi50, alors que l’ex-N°1 Yves Le Blévec (Actual) doit se résoudre à une deuxième escale technique à Cascais ce mercredi, ce sont Lalou Roucayrol (Arkema Région Aquitaine) et Erwan Leroux (FenêtréA-Cardinal) qui, sur des options différentes, se partagent la vedette. 300 milles dans le nord-est des Açores, les Multi50 progressent au près débridé dans une quinzaine de nœuds de vent d’ouest. Ils attendent cette nuit le passage d’un front. Lalou Roucayrol parie sur son placement à l’ouest pour toucher le premier les vents soutenus. 

Imoca : Gabart se méfie de Beyou

En Imoca, après l’abandon de PRB, François Gabart (Macif) n’a plus pour l’instant que deux sérieux adversaires : Jérémie Beyou (Maître Coq) et Marc Guillemot (Safran).

Tous semblent s’accorder sur la route à suivre : aller raser le sud de l’archipel des Açores. En attendant le renforcement du vent cette nuit, ils sont nombreux à avoir sorti la caisse à outils pour réparer les petites avaries du bord. Et à s’être requinqués après 48 heures éreintantes. C’était le cas de Jérémie Beyou, revenu en mode attaque après avoir résolu ses problèmes de voile d’avant.

Class40 : Kito nouveau leader

Avec les Multi50, c’est la classe qui a été la plus touchée par les abandons (8 en tout). Dernier en date, celui d’un des favoris Sébastien Rogues (GDF SUEZ). Aujourd’hui, même si les conditions sont plus maniables, les marins sont éprouvés et ce sont des voix fatiguées qui témoignent de la dureté des trois premiers jours de mer. Pourtant, la course continue et prend une dimension stratégique. Kito de Pavant (Otio-Bastide Medical) a pris la main ce matin. Il emmène le petit groupe qui privilégie une route plus à l’ouest, à la rencontre du front attendu ce soir. De son côté, Thibault Vauchel Camus (Solidaires en Peloton), 2e au classement, a choisi de piquer plus au sud : 80 milles de latéral séparent les deux hommes de tête.

Classe Rhum : S’extraire du golfe

La flotte des dix-huit Classe Rhum encore en course s’étale sur plus de 350 milles ! Entre le trimaran de 50 pieds d’Anne Caseneuve (Aneo) et le monocoque de 60 pieds du Portugais Ricardo Diniz (Parisasia.fr), les conditions météo sont radicalement différentes… Et elles vont encore plus se différentier avec l’arrivée d’une dépression dès ce mercredi soir. Les solitaires retardataires doivent passer le cap Finisterre au plus vite car la dégradation va être brutale avec des vents de Sud-Ouest forts. Le leader italien Andrea Mura (Vento di Sardegna) nettement plus au Nord, va être le grand perdant de ce changement de vent car il va devoir faire du près dans de la brise contraire la nuit prochaine : Anne Caseneuve, mais aussi Wilfrid Clerton (Cap au Cap Location) qui a réalisé une belle traversée du golfe de Gascogne, devraient reprendre la main dès demain jeudi matin… Deux skippers ont déclaré leur abandon : Julien Mabit (Komilfo) à l’Aber Wrac’h et Nils Boyer (Let’s Go-Pharmaouest/Gicquel Associés).

Ils ont dit : 

Yann Elies, Ultime, Paprec-Recyclage   : «  On a une haute pression qui nous court après et qui cherche à nous manger et il ne faut pas que ça arrive. A chaque fois j'ai l'impression que ça y est, c'est parti,  puis le vent finit toujours pas retomber. Hier soir j’ai eu des problèmes électroniques qui m'ont obligés à ralentir. J’ai perdu une bonne heure  à  bricoler à l'intérieur pour trouver d’où cela venait. J’ai cassé une bosse de ris. Il a fallu que je la répare pour renvoyer de la toile. J’ai aussi un bas hauban qui s’était fait la malle au bout de 24 h qu’il a fallu que je refixe. Ces petites choses me font perdre à chaque fois 1/4 d'heure, une demie heure. Je dois arrêter le bateau, bricoler etc. J’espère que la série est terminée !  J’ai réussi à manger assez souvent. Mon seul souci, c’est qu'avec les pépins techniques, je n'arrive pas à rattraper le sommeil. Je n’arrive pas à recharger les batteries pour être serein et lucide, un peu comme dans une Solitaire du Figaro. »

Lalou Roucayrol, Multi50, Arkema Région Aquitaine : « Je viens de vider l’avant du bateau, et l’arrière aussi. J’en profite pour éponger et assécher car nous avons pris beaucoup de flotte ces trois derniers jours. Mon option, c’est exactement ce qu’on avait décidé avec Eric Mas, mon routeur. On  voulait prendre de l’Ouest. Maintenant, il y a une dorsale à gérer, on verra comment ça va se passer, mais on est mieux placé que FenêtréA-Cardinal à l’approche de la dorsale. Le bateau va bien. J’ai souvent navigué avec trois ris dans la grand-voile et l’ORC. Il y a des bricoles, mais rien de grave. C’est plutôt bien. La fatigue se ressent, je n’ai pas beaucoup mangé, pas beaucoup dormi. »

François Gabart, Imoca, Macif : "C'est plutôt clair dans ma tête depuis le départ. J'ai suivi la stratégie que j’avais pour les premiers jours. Le plus délicat c’est en ce moment car j’étais en tête, donc je suis arrivé dans la petite dorsale, la zone sans vent, et  les autres derrière l’ont eu un petit peu moins. Vraisemblablement, je pense que Maitre Coq dans le sud a bien été épargné en tout cas il a fait une belle différence et a bien creusé l’écart. Il faut voir maintenant comment ça sort, car cela n’est pas encore fini mais vraisemblablement il fallait passer un peu plus sud."

Sébastien Rogues, Class40, GDF SUEZ : « Avec un début de course compliqué, j'avais réussi à tirer mon épingle du jeu, mais les conditions météo et de navigation qui ont malmené le GDF SUEZ ont fini par l'emporter. Je suis extrêmement déçu mais très touché des soutiens que j'ai reçus depuis le début. Je remercie mes proches, l'ensemble des collaborateurs du groupe GDF SUEZ, mon équipe, mes partenaires qui m'ont soutenu depuis le début de cette formidable aventure. Même si je ne peux pas continuer à naviguer dans ces conditions, je garde en tête une expérience riche et intense que je ne suis pas prêt d'oublier. »

Sir Robin Knox Johnston, Classe Rhum, Grey Power : « Je me suis mis une certaine pression pour passer le golfe de Gascogne rapidement et rattraper une partie du temps que nous avons perdu en Manche ! Maintenant il faut penser à la façon dont nous allons aborder la traversée de l'Atlantique. J'étudie, j'analyse et regarde avec admiration ce qu'ont fait les Ultimes. Il y a 20 ans, Peter Blake et moi, nous pensions qu'un catamaran de 92 pieds était ce qu'il y avait de plus grand et de plus rapide. Nous avions fait une moyenne de 15 nœuds avec un équipage de huit personnes. Et Loïck Peyron affiche maintenant des moyennes de 30 nœuds… en solitaire ! Voilà le progrès… On se demande bien  ce que pensent les marins des navires marchand en regardant l'AIS : il doivent penser que Banque Populaire est une nouvelle arme secrète de la marine… »

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