Une saison brillante

Le classement UCI World Tour parle de lui-même. Jean-Christophe Péraud, premier français, y figure à la dixième place avec pile 300 points. Cinq autres de ses compatriotes (Romain Bardet 18ème, Thibaut Pinot 32ème, Tony Gallopin 35ème, Pierre Rolland 36ème et Arthur Vichot 40ème) apparaissent dans le top 40. Mieux encore, la France se classe quatrième au classement des nations. Elle y devance au passage la Hollande, l’Australie ou encore l’Allemagne et ne pointe qu’à 83 unités du deuxième, l’Italie de Vincenzo Nibali. A titre de comparaison, en 2013, Sylvain Chavanel, alors premier tricolore, se classait 24ème avec 188 points. Les français n’étaient d’ailleurs que deux dans le top 40, Thibaut Pinot se classant 33ème. Toujours cette même année, la France ne pointait qu’au septième rang du classement par pays. Pire, en 2012, un seul frenchy apparaissait dans les 50 premiers : encore Sylvain Chavanel à la 45ème position cette fois.

En cette saison 2014 le cyclisme français a brillé. Cette année, les coureurs français ont démontré qu’ils pouvaient et savaient gagner. Cette année, ces derniers ont prouvé qu’ils avaient les qualités pour rivaliser avec les gros poissons et les inquiéter. Cette année, les Français ont tout simplement montré à la planète cyclisme qu’il faudra compter sur eux lors des prochaines échéances, à commencer par celles de la saison prochaine. Car oui, ces beaux résultats et belles performances n’ont rien de surprenant. Ils sont, au contraire, le fruit logique d’un énorme travail et d’une progression constante de la talentueuse nouvelle génération française.

Un futur radieux

Outre JC Péraud qui, à 37 balais, fait figure d’exception, les cyclistes français présents dans les 40 premiers du classement World Tour sont jeunes, beaux et pétris de qualités. Attardons-nous plus précisément sur leurs parcours.

Romain Bardet, 23 ans, n’est pro que depuis trois saisons. Dès sa première année  au sein de l’élite du cyclisme mondial, de longues échappées sur l’Amstel Gold Race et le Tour de Lombardie, des classiques qu’il affectionne, lui permettent de se révéler. La saison suivante, il participe à son premier Grand Tour, le Tour de France. Après l’abandon de JC Péraud lors de la 17ème étape, il est propulsé leader de son équipe et en profite pour terminer l’épreuve avec la fameuse étiquette de « meilleur coureur tricolore » grâce à une belle quinzième place au classement général. Cette année fût celle de la confirmation pour Romain Bardet. 4ème du Tour de Catalogne, 5ème du Dauphiné et du GP de Montréal, 10ème de Liège-Bastogne-Liège, et 6ème du Tour de France, il a même montré plus que ce que l’on attendait. S'il continue à progresser à ce rythme-là, on peut rêver très grand pour les prochaines saisons.

Thibaut Pinot fait partie, à seulement 24 ans, de la crème de la crème des coureurs de Grand Tour. Après deux timides premières années passées à apprendre (on notera tout de même quelques prouesses comme lorsqu’il termine meilleur grimpeur du Tour de Romandie 2010 ou ses deux victoires d’étape dans le Tour de l’Ain la saison suivante), il participe un peu par hasard en 2012 à son premier Grand Tour, le Tour de France. Il s’y classera dixième, devenant au passage le plus jeune coureur à terminer parmi les dix premiers depuis 1947, et remportera une étape. L’année suivante, son mois de juillet est gâché par une "phobie des descentes". Ce mal corrigé, il brille quelques mois plus tard en achevant la Vuelta à la septième position. Cette saison, Thibaut Pinot est monté sur la troisième marche du podium du Tour de France et ce, on le rappelle, à seulement 24 piges. Un futur vainqueur de Grand Tour ?

Tony Gallopin (26 ans), Pierre Rolland (28 ans) et Arthur Vichot (25 ans) ont également leurs plus belles années devant eux. Depuis qu’il est passé pro, en 2008 chez Auber 93, Tony Gallopin semble chaque année un peu plus fort. Troisième du Tour d’Oman en 2012, vainqueur de la Clasica San Sebastian un an plus tard, l’ancien coureur de l’équipe Cofidis a, cette saison, notamment brillé sur le Tour de France (vainqueur d’une étape, il a également eu le privilège de revêtir le maillot jaune) et terminé sixième de l’épreuve en ligne des championnats du monde. Pierre Rolland est, comme Thibaut Pinot, un spécialiste des épreuves de trois semaines. Pour lui, tout commence lors du TDF 2011. Thomas Voeckler porte alors le maillot jaune. Aux côtés du futur quatrième de l’épreuve, un formidable équipier se surpasse et rejette tous les jours un peu plus loin ses limites pour accompagner son leader et lui permettre de garder cette relique le plus longtemps possible. Pierre Rolland est naît. Depuis, il confirme (un peu plus parfois même). Huitième du TDF 2012, il a cette saison prouvé qu’il était capable de briller autre part que sur les routes de la course centenaire en terminant quatrième du dernier Giro. Champion de France il y a un an, deuxième du GP du Québec la même année, Arthur Vichot a lui, grâce à un podium sur Paris-Nice, démontré qu’il n’était pas qu’un chasseur d’étapes et de classiques.

Un important vivier

Normalement, vous devrez déjà être convaincu. Oui, la France du cyclisme se porte bien et son avenir s’annonce même radieux. Mais pour ceux qui n’en seraient pas encore persuadés, on continue. La France regorge d’autres cracks. Il y a même profusion. Commençons par les sprints. Dans ce domaine-là, Arnaud Démarre (23 ans), Nacer Bouhanni (24 ans) et Bryan Coquard (22 ans) sont des étoiles montantes. Ancien champion du monde espoir et nouveau champion de France, Arnaud Démarre en est sans doute le plus talentueux. Avec ses quinze succès cette année, il est derrière André Greipel le second coureur qui a le plus gagné. Attiré par les classiques pavés, le Beauvaisien a également montré de grandes dispositions sur ces courses en terminant deuxième de Gand-Wevelgem et douzième de Paris-Roubaix. Pour être totalement lancé, il ne lui manque plus qu’une victoire d’étape sur un Grand Tour. Gagner sur un Grand Tour, c’est maintenant chose faite pour Nacer Bouhanni. Triple vainqueur d’étape sur le Giro, il a récidivé sur la Vuelta en levant les bras à deux reprises. Lorsque l’on y ajoute ses succès sur Paris-Nice et l’Eneco Tour, cela nous donne un aperçu de la manière dont s’est comporté cet amoureux de la boxe cette saison : comme un patron. Bryan Coquard évolue lui encore un cran en dessous de ses deux compatriotes. Pourtant, cela ne signifie pas qu’il est moins talentueux. Non, il est seulement plus jeune, moins expérimenté et aussi moins accompagné dans les derniers kilomètres. Cette saison, il a fait plus que se montrer sur le Tour de France puisqu’il a terminé sept fois dans le top 10 d’une étape et troisième au classement du maillot vert.

Focalisons-nous maintenant sur les Grand-Tour. Cette année, pas moins de onze français ont réussi à se glisser dans le top 20 d’une course de trois semaines. Pierre Rolland (4ème), Alexis Vuillermoz (11ème), Alexandre Geniez (13ème) et Hubert Dupont (16ème) sur le Giro. Sur le Tour de France, c’était au tour de JC Péraud (2ème), Thibaut Pinot (3ème), Romain Bardet (6ème), une nouvelle fois Pierre Rolland (11ème), Brice Feillu (16ème) et John Gadret (19ème). Enfin, sur la Vuelta ce sont Warren Barguil (8ème) et Romain Sicard (13ème) qui ont brillé. Tout cela pour vous dire que les français capables de performer sur ces courses de trois semaines ne se comptent pas sur les doigts d’une main. Ils sont légion. La France possède un important réservoir de coureurs compétitifs sur ces épreuves, un réservoir comme elle n’en avait pas connu depuis bon nombre d’années.
Pour être totalement complet signalons également la victoire de Sylvain Chavanel sur le GP de Plouay, la belle victoire d’étape de Blel Kadri sur le TDF ou encore la 6ème place de Cyril Gautier sur Paris-Nice au mois de mars.

Des raisons que ça dure

Depuis de trop nombreuses années, la France du cyclisme vivait dans l’attente de ses nouveaux champions. Sylvain Chavanel avait déchanté. Thomas Voeckler ne pouvait tout simplement pas faire plus que ce qu’il a réalisé. La France espérait revivre des années heureuses, avec des Français qui gagnent, avec des Français compétitifs. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, une nouvelle génération de cycliste français ultra talentueuse est en train de confirmer les espoirs placés en elle. Ils s’appellent Pinot, Démarre, Bardet, Bouhanni… Ils sont le présent et l’avenir du cyclisme bleu-blanc-rouge. Surtout, il y a presque situation d’abondance. Les Français qui triomphent sont nombreux et cela devrait durer quelques années encore. En plus, il y en a d’autres qui arrivent. Ils viennent de passer pros ou ne le sont pas encore. Ils se nomment Julian Alaphilippe, Pierre-Henri Lecuisinier, Clément Chevrier ou encore Alexis Gougeard et il y a fort à parier qu’on reparle d’eux dans quelques années.