C'est donc une philosophie de l'évolution perpétuelle, du changement et de l'adaptation qui semble avoir pris le dessus lors de ce Mondial en terres Brésiliennes. Le but n'est plus d'imposer sa maîtrise, sa supériorité où son style à l'adversaire, mais au contraire de s'adapter à toutes ses caractéristiques pour mieux le contrer. Les entraîneurs qui ont réussi leur Coupe du Monde sont des pragmatiques, qui savent analyser à chaud et réagir en fonction des évènements.

Le dogmatisme battu par K.O ?

Le triste exemple Brésilien révèle l'idée que le dogmatisme n'est plus efficace. Dans un football où l'on observe chaque faille, chaque défaut et chaque caractère d'un collectif, ne pas surprendre son adversaire par un changement de profil avant, ou en cours de match, revient à conduire son équipe à la défaite. Le problème du Brésil lors de cette Coupe du Monde, c'est qu'il n'a pas changé de système, ou d'application tactique de son schèma. Le 4-2-3-1 est resté le même, avec les mêmes avantages et les mêmes défauts. L'Allemagne a tout simplement insisté sur les défaillances qui étaient apparues contre le Chili et la Colombie. Manque de rigueur défensive, soucis dans la couverture, lignes étirées dans la largeur et absence totale de créativité. Scolari ne s'est pas adapté, il s'est fait éliminer sans pouvoir réagir.

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Le cas de l'Espagne semble également confirmer cette théorie même si l'explication de son élimination en phase de poule va plus loin que le simple entêtement tactique de son sélectionneur, comme pour le Brésil d'ailleurs. Mais force est de constater qu'au fil des années, le passing game de l'Espagne a perdu de sa superbe, les adversaires s'y étant bien préparés et adaptés. L'erreur de Del Bosque aura été de n'apporter que de petites retouches, sans pour autant relancer son équipe. Voulant finir avec la génération qui avait fait de l'Espagne la meilleure équipe du monde, l'ancien entraîneur du Real Madrid n'a pas mis en place les évolutions tactiques qui auraient pu permettre à la Roja de sortir avec la gloire qu'elle méritait.

Le pragmatisme : clé du succés ?

A l'inverse, l'adaptation perpétuelle aux évènements et à l'adversité est-elle gage de réussite ? Le pragmatisme n'est-il finalement pas réservé qu'aux équipes outsiders, dont les qualités techniques ne sont pas à la hauteur des favoris ? Cela semble être le cas puisque les trois sélectionneurs qui ont incarné ce pragmatisme tout au long de la compétition sont Didier Deschamps, Alejandro Sabella et Louis Van Gaal qui sont à la tête de sélections que l'on attendait pas réellement aussi performantes, même si certains parcours sont à relativiser. Mais force est de constater que ces entraîneurs ont réussi à compenser les problèmes de leurs équipes par une capacité d'adaptation. Deschamps contre le Nigeria a démontré une force d'analyse à chaud qui lui a permis de relancer une Equipe de France bien mal en point. Durant la compétition, il s'est adapté aux évènements. Alignant Giroud ou Griezmann selon son plan de jeu, lançant Sissoko pour fermer les couloirs contre la Suisse, changeant le profil technique de son équipe contre le Nigéria, mais aussi face à l'Allemagne. Pour le succés que l'on connait, la France ayant réussi sa première grande compétition internationale depuis 2006.

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Le cas de Louis Van Gaal est semblable. Le sélectionneur Néerlandais s'est d'abord distingué par le choix de jouer en 5-3-2, compensant les limites techniques et tactiques d'individualités très jeunes par la solidarité et une défense en zone très rigoureuse autour d'un libéro qui se chargeait de prendre en marquage individuel le leader technique ou la pointe adverse, comme Vlaar sur Messi face à l'Argentine. Mais il s'est également adapté au cours des matches et de la compétition. Ainsi Kuyt a occupé un rôle d'arrière latéral pour apporter un peu plus de solutions vers l'avant et dans les couloirs. Mais c'est surtout à partir des phases à élimination directe que l'impact de Van Gaal s'est fait ressentir. Contre le Mexique, le choix de passer en 433 a été primordial, permettant à Robben d'avoir plus de liberté, les Pays-Bas occupant alors toute la largeur du terrain pour acculer la défense des Aztèques qui lachèrent en fin de match. L'entrée de Tim Krul avant la séance de penalty en quart révèle non pas quant à elle un pragmatisme tactique mais une volonté de surprendre l'adversaire et de le dérouter, ce qui fonctionna. Et comme pour Deschamps, la capacité de s'adapter pour surprendre a été à l'origine d'un très beau parcours pour les Oranjes qui ont réalisé une très belle Coupe du Monde alors que personne ne les attendait.

Enfin, Alejandro Sabella a su remettre en cause ses principes idéologiques pour mener son équipe en finale de la Coupe du Monde. Voyant les limites de son équipe lorsque c'était à elle de faire le jeu, il a consolidé son bloc avec les entrées de Biglia et Demichelis pour défendre plus bas, renforcé l'équilibre de son équipe et peut-être construire un schéma capable de contenir l'Allemagne. L'Argentine a évolué durant la compétition pour devenir l'équipe la plus solide de cette Coupe du Monde, avec une grosse base tactique et un système réellement efficace et au point.

Un compromis entre pragmatisme et dogmatisme comme solution ?

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Il y a cependant un sélectionneur qui incarne à la fois le dogmatisme et le pragmatisme, c'est Joachim Löw. Il a trouvé dans cette compétition un compromis pour garder ses principes de jeu tout en adaptant son équipe au fil des évènements. Ainsi contre la France mais surtout le Brésil, il a repositionné Lahm à droite pour avoir une solution de plus pour créer le déséquilibre à droite et mis Klose en pointe pour avoir un profil un peu plus direct. Avec à la clé le renforcement de sa philosophie du jeu et du spectacle. Löw ou quand s'adapter aux autres revient à renforcer sa supériorité. Disposant d'une équipe compléte, le sélectionneur allemand a su changer quand il le fallait sans renier son football. La clé pour gagner une Coupe du Monde ? La réponse, nous ne l'aurons que dimanche soir...