La victoire dimanche de Jo-Wilfried Tsonga en finale de Toronto, a été aussi surprenante dans son résultat en deux sets secs 7-5, 7-6, car il n’était pas favori en étant seulement tête de série n°13, après une saison chaotique, que logique dans son déroulement quand on décortique les différents aspects du match.

Le terrain

Il est le même pour tous, c’est un fait. Mais JWT a joué ses matchs en après-midi dans des conditions un peu plus rapides que Federer, qui a lui bénéficié de la fraicheur des sessions nocturnes, moins fatigantes car moins chaudes, mais aussi moins rapides. Federer n’a pas eu de match dans ces conditions pour se régler, ce qui peut expliquer pourquoi il a toujours été un peu en retard sur les services et les coups de fond de courts de Jo, qui a pilonné son revers, que Roger a parfois décentré ce qui est la preuve d’un placement pas toujours optimal.

Le physique

Federer a retrouvé l’intégralité de ses moyens physiques, même si on l’a vu à la peine lors de la seconde partie du 5ème set à Wimbledon. Jo-Wilfried Tsonga, nous a paru amaigri, légèrement plus sec et donc beaucoup plus mobile et endurant, notamment dans son match contre Murray où il revient de 0-3 dans le troisième set pour gagner 6-4. Ces deux ou trois kilos font toute la différence.

Tactiquement

Jo avait décidé d’aller chercher le revers de Federer, tactique classique contre lui, alors que Roger avait lui, paradoxalement, décidé de taper dans le coup droit de Tsonga. A ce jeu, Tsonga a mis de la pression sur Federer, avec des coups droit décroisés ou le long de la ligne, longs et puissants avec lesquels il ne cherchait pas à faire le point mais à destabiliser Federer, à lui faire mal, à le secouer pour qu’il ne puisse pas dicter le jeu avec son coup droit mais soit toujours en défense sur son revers. Cela lui a aussi ouvert des options pour monter à la volée. II a recueilli les dividendes de ce travail de sape sous la forme de 37 fautes directes de Federer, dont 30 en revers, 18 en fond de court et 12 en retour de service. Federer n’a gagné que 34% des points du fond de court (22/65).

Dans le premier set, Tsonga a joué 71% de ses revers sur celui de Federer, et 55% de ses coups droits vers la même cible. Tsonga a gagné 19 points contre 13 à Federer en fond de court au premier set et fait mieux dans le deuxième set, 25 à 9. Le coup droit de Roger a mieux fonctionné avec neuf coups gagnants, seulement, mais on était loin des standards du maitre suisse. Même si Federer a essayé de raccourcir les échanges, Tsonga a quand même gagné plus d’échanges de moins de cinq frappes que le Suisse, (66 contre 55), ainsi que ceux entre 5 et 9 frappes (22 contre 17). Seuls huit points, sur les 170 joués ont eu plus de dix frappes, les deux joueurs se les partageant : 4-4.

Le jeu a la volée

Par conséquent, le Suisse a compris très vite qu’il ne pouvait pas gagner du fond du court contre ce Tsonga-là, et a été obligé de trouver d’autres solutions pour marquer des points.

Le filet

Roger Federer a dominé ce secteur. Il a servi et volleyer 24 fois, sept fois sur des deuxièmes balles, remportant cinq points. Il a dirigé ses volées 17 fois vers le revers de Tsonga, dont 16 gagnantes, et sept fois pour le coup droit, dont cinq gagnantes. Federer a remporté 82% (16/21) de ses approches au filet, 88% (21/24) de ses services-volées.

Le service

Jo a eu un pourcentage de premières balles moyen : 50% sur le match ; 45% au premier set et 54% au second set, mais a eu quand même des stats impressionnantes. La première : zéro balle de break du match pour Federer qui a parfois mené 0-30 sur le service de Tsonga ! La seconde stat' : après sa première balle, Tsonga a gagné au premier set 93% des points (15/16), 73% pour Federer (17/23). Et encore 94% (18/19) au second set, contre 68% (28/41). La troisième stat : après sa seconde balle Tsonga a gagné au premier set 57% des points (11/19), 50% pour Federer (6/12) et au second set, 68% des points (11/16) contre 50% pour Federer (12/24).

©USA Today Sports/Reuters

Tactiquement, Tsonga avait choisi de servir sur les extérieurs autant coté avantage que coté égalité afin de s’ouvrir le terrain et de bousculer Federer. Cette tactique a été utilisée lors de la finale de Wimbledon 2009 par Andy Roddick mais avec moins de succès. Seul tout petit bémol. Jo a su être réaliste dans le premier set en transformant la seule balle de break qu’il ait obtenu, comme en demi, contre Dimitrov. Federer en a sauvé six dans le second set sans que Jo ne puisse en convertir une seule. À 3-3 dans le tie-break, Federer frappe trop long un revers le long de la ligne. Il ne marquera plus un point. Et sur la balle de match, il frappe son revers dans le filet.

Tsonga a parfaitement exécuté son plan de mise sous pression de Federer en agressant son revers mais sans chercher le coup dur, le coup gagnant tout de suite. Cette tactique est utilisée à la fois par Nadal et Federer. L’excellence du service de Tsonga l’a mis a l’abri d’un retour du champion suisse tout en l’obligeant à jouer dans l’urgence. Pour clore ces statistiques, les deux hommes ont quasiment parcouru la même distance : Federer 1363 mètres et Tsonga 1358. Bravo les artistes. Pas le temps de se reposer, les autres sont déjà en train d’affuter leurs couteaux à Cincinnati.