La défaite du Bayern face au Real, c'est la défaite d'une philosophie de la création face à une philosophie de la destruction et de l'exploitation des failles de l'adversaire. Si Ancelotti a battu Guardiola, c'est parce qu'il a annihilé ce qui fait la force de son équipe, la supériorité technique, le monopole du ballon et l'exploitation de chaque espace laissé par la défense adverse. Pour construire sa victoire, Carlito a détruit. Un 442 à plat, avec une grosse densité dans l'axe, un milieu haut sur son homologue adverse et une défense agressive, qui avance son adversaire aura suffit à rendre chaque attaque Bavaroise improductive. Le Bayern n'a jamais su accélérer le rythme, n'a pas eu cet éclair de génie pour transpercer dans la verticalité le bloc Madrilène et n'a jamais pu transformer sa maîtrise technique en véritable supériorité. Le passing game a perdu ce qui faisait sa force, la capacité à surprendre l'adversaire. Le passing game de Guardiola a vieilli, le passing game de Guardiola n'est plus ce qu'il était.

Le Real mardi soir l'a montré, l'Atlético mercredi l'a confirmé, le football moderne est un football où il faut aller vite. La capacité à se projeter rapidement vers l'avant pour empêcher le repli défensif adverse est devenu un élément prépondérant dans la réussite d'une équipe à très haut niveau. A l'image du troisième but du Real contre le Bayern. une récupération basse puis un contre rapide pour déborder les trois seuls défenseurs Bavarois restés en couverture. Le Borussia Dortmund et le Real Madrid incarnent ce nouveau football. Désormais, il ne faut plus poser le jeu, il faut chercher à dérouter l'adversaire par la vitesse, la provocation. On ne cherche pas forcément à créer face à un bloc regroupé, on cherche à dynamiter et à contrer. La possession n'est plus un critère de supériorité, la possession n'assure plus la domination, c'est désormais la vitesse d'exécution le nouveau facteur de force. Le passing game se heurte désormais à la recherche extrême du rythme. C'est là que Guardiola a perdu face à Ancelotti. L'un a mis en place un système qui fait l'apologie de la maîtrise et de la possession, l'autre un système qui fait la part belle au contre et à la capacité à se projeter vite vers l'avant. 

Le football de Guardiola semble avoir perdu de sa superbe. Il ne surprend plus, ne permet plus d'harceler et de fatiguer son adversaire. Désormais, tout le monde sait comment le rendre stérile et inefficace. Peut-on cependant imaginer la fin de passing game ? Pas forcément car le Bayern de Pep n'est pas aussi fort que ce qu'était son Barça. Sous la houlette de Guardiola, le FC Barcelone construisait son succès par un pressing très haut, pour harceler son adversaire, l'acculer et créer le déséquilibre le plus haut et le plus vite possible. Le but était de s'éviter certaines phases de jeu qui ralentissaient le rythme par la capacité à empêcher l'équipe d'en face d'avancer. L'intensité et la rigueur défensive étaient donc les bases du système Guardiola. La possession, n'était qu'un moyen de récupérer physiquement après autant d'efforts, mais aussi de fatiguer l'adversaire qui passait son temps à courir derrière le ballon. La possession était un moyen. Au Bayern elle est la base, la clé du système. Elle passe devant toutes les autres phases du jeu. Et c'est pour ça que le passing game de Pep apparaît moins fort. Le Bayern récupère le ballon plus bas, laisse le temps à son adversaire de se replacer, ce qui le rend plus solide et donc difficile à mettre en danger. Le passing game a plusieurs degrés, plusieurs applications. Le projet du Bayern n'est visiblement pas le bon, et semble mettre en péril l'applicabilité de cette philosophie. Mais elle ne l'empêche pas. Jouer plus haut peut le rendre de nouveau efficace.

Laisser le ballon à l'adversaire est-il finalement devenu la clé ? Faut-il désormais laisser la possession à l'adversaire, attendre qu'il vienne se heurter à un bloc défensif bas puis le sanctionner par un contre rapide et tranchant ? Le football est-il amené à rejeter la possession et à essayer d'aller le plus vite possible avec la balle ? Ce qui est sûr, c'est que le lien entre la solidité défensive, la récupération du ballon et la phase de projection vers l'avant n'a jamais été aussi fort. Ces trois phases du jeu deviennent ainsi primordiales dans cette philosophie du jeu. C'est une rigueur défensive extrême qui est demandée dans ce système, mais aussi une réelle maîtrise technique dès la récupération du ballon pour relancer proprement puis faire les choix justes pour déborder une défense sans se laisser prendre par sa propre vitesse d'exécution. Le football du rythme est un football de la rigueur mais aussi un football qui demande à ses acteurs d'être complets. Ils doivent savoir défendre, se déplacer vite et avec justesse mais aussi faire les bonnes passes vers l'avant pour effacer les lignes défensives adverses qui assurent la couverture. C'est un football de l'équilibre entre une défense qui doit défendre proprement sans faire de faute tout en en relançant proprement et une attaque qui doit toujours être prête à lancer des sprints vers le but adverse sans perdre de temps.

Après l'hégémonie du passing game, incarnée par la domination sans partage du Barça et de l'Espagne, une nouvelle ère semble s'ouvrir. Le football moderne évolue même si l'avenir reste encore flou. La Coupe du Monde qui arrive apportera certainement une réponse quant à la fin du football de la possession et à l'éclosion du football du rythme.